RomanCe qu’on ne dit jamais sur le retour au pays aux Antilles

Ce qu’on ne dit jamais sur le retour au pays aux Antilles

L’image idéalisée du retour

Ce qu’on imagine (et ce que les autres projettent)

Revenir au pays, surtout après plusieurs années passées en France hexagonale, c’est souvent perçu comme l’ultime accomplissement personnel. On imagine les retrouvailles chaleureuses, les couchers de soleil sur la plage, le bokit du dimanche chez Man Dò, les rires d’enfance retrouvés.

Dans l’inconscient collectif (et sur les réseaux sociaux), le retour en Guadeloupe, Martinique ou Guyane devient presque un cliché positif : Tu as osé, tu es rentrée, bravo !

Mais cette vision idéalisée est souvent projetée par ceux qui ne l’ont pas encore vécu. Et ceux qui l’ont expérimenté savent qu’il y a un grand écart entre l’image et la réalité.

‘’Tout le monde te félicite… mais personne ne t’a demandé comment tu te sentais vraiment.’’

De nombreuses personnes en retour au pays racontent cette pression douce mais pesante :

‘’Tu dois être tellement bien ici, non ?’’
‘’T’as quitté la galère de la métropole, t’as tout compris.’’
‘’T’as du courage, moi aussi j’aimerais rentrer.’’

Ce genre de phrases, bienveillantes en apparence, occulte toute la complexité émotionnelle que représente un tel choix. Car derrière la fierté et les attentes… il y a aussi des doutes, des décalages, des inconforts que peu osent exprimer.

Les discours dominants (et les non-dits)

Dans les médias, dans les témoignages partagés en ligne, on entend souvent parler du retour comme d’une renaissance : se reconnecter à ses racines, vivre à son rythme, contribuer localement, créer une entreprise au péyi, retrouver du sens.

Oui, ces parcours existent — et ils sont puissants. Mais ils ne racontent qu’une partie de l’histoire.

Peu de récits abordent :

  • le choc du retour vécu au quotidien,
  • la sensation d’étrangeté dans un lieu pourtant familier,
  • la solitude malgré la famille,
  • le repositionnement identitaire douloureux, quand on ne se sent plus “tout à fait d’ici”, mais pas vraiment “de là-bas” non plus.

Et pourtant, ces ressentis sont courants. Mais ils sont souvent tus, par peur d’être incompris, jugé, ou de paraître “ingrat”.

‘’Parce que oui, “tu vis sous les cocotiers”, alors pourquoi te plaindrais-tu ? ’’

Cette absence de discours nuancé contribue à un tabou silencieux autour du retour au pays. Or, en parler avec honnêteté, c’est déjà libérer la parole et soulager ceux qui traversent la même chose.

Le choc du retour : réalités intimes et sociales

Dépaysement dans son propre pays

C’est peut-être le paradoxe le plus déroutant : se sentir dépaysé dans son propre pays. Lorsqu’on revient vivre en Guadeloupe, Martinique ou Guyane après plusieurs années en métropole, on s’attend à retrouver « la maison », « ses racines », « son monde ».

Mais très vite, une sensation d’étrangeté peut s’installer :

  • les habitudes locales te semblent désuètes,
  • les réactions des autres t’étonnent,
  • certaines façons de penser te paraissent rigides ou à contre-courant.
‘’Tu es chez toi… mais plus vraiment “d’ici”’’.
‘’Tu es revenue… mais on t’entend dire “en France” au lieu de “ici”.’’

Ce décalage culturel inversé, aussi appelé choc du retour, est peu reconnu et souvent mal compris. Pourtant, il est bien réel :

–  Certains reviennent avec une vision du monde élargie, plus critique, plus indépendante.
–  Ils rencontrent alors une forme de résistance sociale locale, entre regards curieux, jugements à peine voilés et parfois rejet poli : “T’es revenue, mais t’as changé.”

Le retour au pays n’efface pas le vécu d’ailleurs. Il le transforme. Il oblige à faire coexister plusieurs identités en soi — et ce n’est pas confortable tous les jours.

Isolement émotionnel et perte de repères

Même entouré de famille, il est possible de se sentir profondément seul.

Pourquoi ? Parce que ce que tu vis, peu osent l’exprimer. Tu n’es ni en mode “touriste”, ni encore complètement réintégré. Tu flottes entre deux mondes : l’ancien toi (celui qui est parti) et le nouveau (celui qui cherche à se réancrer).

Cet entre-deux génère :

  • une fatigue émotionnelle : tout semble “trop” ou “pas assez”,
  • une difficulté à verbaliser son inconfort : “Tu te plains alors que tu es rentrée ?”,
  • un besoin de reconnaissance intérieure : “J’ai fait un choix courageux, mais j’ai besoin de soutien, pas de silences”.
‘’Tu peux être entourée de tes proches et ne plus te sentir totalement comprise. ’’

Ce vide intérieur peut mener à une remise en question plus large :

–  Ai-je fait le bon choix ?
–  Suis-je encore capable de me projeter ici ?
–  Est-ce que je vais devoir repartir… encore ?

Et c’est là que l’on touche au cœur du sujet : le retour n’est pas un point final, c’est un nouveau départ. Mais il faut l’apprivoiser.

Revenir, c’est reconstruire

Ce que le retour oblige à déconstruire

Le retour au pays n’est pas une simple parenthèse ni une douce transition. C’est souvent une épreuve identitaire qui t’oblige à déconstruire ce que tu croyais acquis — sur toi, sur ton île, sur ton avenir

Après plusieurs années passées en France hexagonale ou ailleurs, tu reviens avec :

  • une vision plus large du monde,
  • des réflexes nouveaux,
  • des attentes (parfois trop hautes),
  • une certaine distance vis-à-vis des normes sociales locales.

Et là, la désillusion commence :

–  Tes diplômes ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur.
–  Ta manière de parler ou de penser est perçue comme “étrangère”.
–  Les opportunités sont parfois plus fermées qu’espérées.

Mais cette désillusion, si elle est acceptée, peut se transformer en levier de réinvention.

‘’Revenir, ce n’est pas reprendre là où on s’était arrêté. ’’

C’est rebâtir quelque chose de nouveau, en tenant compte de tout ce qu’on a vécu ailleurs.

Cela implique de :

  • faire le deuil de l’idéalisation,
  • poser des mots sur l’inconfort,
  • revaloriser son parcours, même s’il ne colle pas aux codes locaux.

Trouver sa voie dans un “nouveau chez soi”

Une fois passé le choc initial, une autre phase s’ouvre : celle où l’on commence à créer ses propres repères dans ce “chez soi” devenu autre.

Et là, des pistes émergent :

–  Redécouvrir sa culture avec un regard neuf : patrimoine, langue, musique, engagement.
–  S’impliquer dans des projets locaux qui font sens : entrepreneuriat social, éducation, création artistique, retour à la terre.
–  Lire ou écrire pour nommer ce qu’on vit : car souvent, mettre en mots aide à trouver sa place.

Le retour au pays devient alors un acte créatif, pas une simple réadaptation.

Ce “chez soi” n’est plus exactement celui de ton enfance, ni celui que tu avais fantasmé. C’est un espace en construction, façonné par tes choix, ta sensibilité, tes valeurs.

Et c’est là que réside l’opportunité :

–  Revenir, c’est poser une pierre dans une nouvelle fondation.
–  Ce n’est pas “retourner en arrière”, c’est créer une autre version de soi, enracinée et en mouvement.

Le retour au pays, un vrai voyage intérieur

Revenir vivre aux Antilles, ce n’est pas seulement changer de décor. C’est changer de regard sur soi, sur les autres, sur son île. C’est un chemin jalonné de désillusions, de reconstructions, de renaissances silencieuses.

Ce qu’on ne dit jamais sur le retour au pays, c’est que c’est un acte de courage. Parce qu’il faut déconstruire ce qu’on croyait être “chez soi” pour mieux le redéfinir. Parce qu’il faut oser être vulnérable, même entouré. Et surtout, parce qu’il faut accepter que l’on ne rentre jamais vraiment comme on est parti.

Mais à travers ces turbulences, on (re)trouve une vérité plus profonde, une manière d’habiter le territoire autrement, en pleine conscience, avec tout ce qu’on est devenu.

‘’Le retour n’est pas la fin d’une histoire.’’

C’est le début d’une nouvelle narration, plus mature, plus libre, plus ancrée.

À découvrir pour aller plus loin :

Si ce que tu viens de lire t’a touché(e), tu devrais lire le roman « Pas de ça chez nous? », écrit par une auteure guadeloupéenne qui parle du choc du retour, de la reconstruction identitaire, et de la jeunesse antillaise d’aujourd’hui.

Disponible sur Editions-neg-mawon.com

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